ERIC DANON
Ambassadeur

Remise des insignes de Chevalier de la Légion d’Honneur
par M. Jean-Yves Le Drian,
Ministre de l’Europe et des Affaires Etrangères
à M. Eric Danon
Directeur Général adjoint
des affaires politiques et de sécurité
- Discours de remise
- Discours de réception
Au Quai d’Orsay, le mercredi 20 février 2019
Discours de remise

Mesdames et Messieurs, Chers amis,
La force de cette belle maison tient, pour beaucoup, à la diversité des parcours et des talents de ceux qui la font vivre. Celui que nous sommes réunis pour honorer ce soir ne fait pas exception à cette règle.
Cher Eric Danon,
Le chemin qui vous a conduit à entrer dans la Carrière et qui n’a depuis cessé de vous y ramener relève, tout à la fois, du mystère et de l’évidence. Passé sur les bancs de Sciences Po et de l’ENA, vous semblez avoir le profil classique du diplomate de haut niveau. Pourtant, c’est d’abord vers les sciences que vos curiosités et vos inclinations vous ont poussé, jusqu’à intégrer Normale Sup’ pour y décrocher l’agrégation de physique, ce qui est – convenons-en – un peu moins classique…
Entre le laboratoire et l’ambassade, on imagine que le choix n’a pas été simple. C’est l’appel des voyages et des lointains qui l’emporta.
Comme le dit Marguerite Duras, qui vous est chère : « il reste toujours quelque chose de l’enfance, toujours ». La vôtre fut bercée par des histoires d’ailleurs. Ces récits bariolés étaient le dernier fil qui reliait votre famille au monde qu’elle venait de quitter. Les histoires d’Istanbul, de Rhodes, de Beyrouth et du Caire. Les histoires de l’Alexandrie florissante et ouverte dont les portes, quand vous êtes né, venaient de se refermer. C’est donc en rêvant à ces rivages à la fois si lointains et si proches que vous avez grandi dans ce pays choisi par les vôtres pour y construire une nouvelle vie. Etait-il alors écrit que vous alliez consacrer votre vie à rendre à la France ce qu’elle leur avait offert, en portant sa voix à travers le monde ? En devenant diplomate, c’est du moins le destin que vous vous êtes donné.
Pourtant, la trajectoire que vous avez suivie n’a rien de linéaire. Vous l’avez inventée, au gré des rencontres et des opportunités. Devant vos collègues du Quai, vous revendiquez d’ailleurs, non sans une certaine espièglerie, le record du nombre de départs : d’abord vers SNI Aérospatiale, devenue EADS puis Airbus ; ensuite vers Agralex, l’entreprise d’import-export fondée par votre père ; et, enfin, vers le monde du conseil et de l’entreprenariat. Mais vous détenez aussi le record des retours : si vous êtes souvent parti, vous êtes toujours revenu, ce dont nous ne pouvons que nous féliciter !
Depuis plus de trente ans, vous alliez, au profit de notre diplomatie, une intelligence aiguisée à un profond sens politique. Aussi à l’aise avec les données techniques les plus complexes des dossiers nucléaires ou balistiques que face aux questions stratégiques les plus sensibles, vous vous êtes peu à peu forgé une expérience incontestée dans des domaines où notre pays est très attendu.
Et, comme votre enfance recèle sans doute l’une des clefs de votre vocation, votre jeunesse permet peut-être de trouver le dénominateur commun aux sinuosités fécondes de votre parcours. Vers vingt ans, une véritable fascination pour la navigation aux étoiles s’est emparée de vous. Cela vous a valu une solide réputation aux Glénans, où vous avez appris puis enseigné la voile. Passant également vos brevets de pilote, vous avez fait des vols de nuit l’une de vos spécialités.
Au fil des années, les occasions de naviguer et de voler se sont faites de plus en plus rares, mais cette fascination ne vous a jamais entièrement quitté : si vous avez cessé de compter sur les astres pour vous guider, vous avez cependant continué à chercher les points de repères dont nous avons tant besoin pour nous orienter dans le monde toujours incertain, souvent obscur et parfois chaotique qui est le nôtre. C’est, je crois, le sens de votre engagement dans l’élaboration et le suivi de quelques-uns des grands textes internationaux de ces dernières décennies et de votre goût pour la réflexion prospective et l’anticipation.
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Dès le début de votre carrière, vous vous êtes trouvé aux prises avec un domaine qui allait devenir l’un de vos champs d’expertise : les affaires stratégiques.
Un an après votre arrivée au Quai d’Orsay et un bref passage à la Direction d’Amérique, vous devenez rédacteur, à la Direction Politique, pour les négociations sur l’interdiction des armes chimiques et sur la non-militarisation de l’espace extra-atmosphérique.
Remarqué pour votre vivacité d’esprit et vos compétences techniques très pointues, vous entrez au cabinet du Ministre Roland Dumas en 1988 comme Conseiller sur les relations Est/Ouest. Vous acceptez également, parce que personne ne s’y intéresse encore, de suivre l’évolution des pays d’Europe centrale et orientale. Le Mur, si je puis dire, tombe alors à pic pour faire de vous l’un des rares diplomates à participer à l’intégralité de la négociation dite « 2+4 » [RFA, RDA + URSS, Etats-Unis, Grande-Bretagne, France] sur la réunification de l’Allemagne. A ce concours de circonstances, vous devez la chance d’avoir vécu, aux premières loges, un moment historique exceptionnel.
Nul doute que cette expérience des grandes négociations internationales vous sera fort utile lorsque, près de vingt ans plus tard, vous retrouverez les affaires stratégiques en devenant Ambassadeur, Représentant permanent de la France à la Conférence du désarmement à Genève. A ce titre, il vous revient de diriger notre délégation lors de la Conférence d’examen du TNP [Traité de Non-Prolifération nucléaire] en 2010 et, l’année suivante, à la négociation du Traité sur le Commerce des Armes, dont vous avez été l’un des artisans.
Acquérant bientôt une excellente maîtrise de ces problématiques, vous développez une réflexion sur l’avenir de la dissuasion nucléaire qui vous vaut d’intégrer la « secte » informelle que beaucoup ici connaissent bien pour en être des membres éminents et, plus officiellement, d’être nommé, en 2009, responsable « aspects internationaux » de la Commission Roussely sur l’avenir de la filière nucléaire française.
Car, parallèlement à vos missions diplomatiques, vous manifestez un intérêt profond pour la réflexion stratégique. Vous devenez, en 2013, Directeur Général du Conseil Supérieur de la Formation et de la Recherche Stratégiques et, à ce titre, vous en relancez les Assises Nationales. Si je rappelle que l’édition 2015 avait pour thème « Qui est l’ennemi ? », personne ici ne s’étonnera de m’entendre dire que je l’ai trouvée particulièrement stimulante ! Au CSFRS, vous parvenez à mettre en place une méthodologie d’anticipation capable, dans un monde de plus en plus instable, d’éclairer les choix des décideurs politiques, mais aussi d’intéresser un large public. Le premier MOOC [Massive open online course] consacré aux questions stratégiques, que vous avez réalisé, a ainsi rassemblé 14 000 inscrits.
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Animé du même souci de concilier l’action et la réflexion, vous vous êtes également consacré à un autre domaine essentiel pour la sécurité de nos concitoyens et la stabilité de l’ordre international : les menaces criminelles contemporaines.
Marqué par la rencontre de Michel Foucault, dont vous avez suivi les cours au Collège de France et qui vous avait alors demandé de travailler sur les développements de la coopération judiciaire franco-allemande mise en place pour lutter contre la Fraction Armée Rouge, vous n’avez jamais cessé de réfléchir aux questions de terrorisme et de criminalité.
Le Quai sut, une fois de plus, tirer parti de votre parcours atypique. En 1996, vous devenez sous-directeur de la Sécurité, chargé des « menaces transversales », responsable des aspects diplomatiques de la lutte contre le terrorisme, les trafics internationaux et le blanchiment d’argent. Avec votre équipe, vous êtes à l’origine de la première Convention internationale pour la répression du financement du terrorisme. Vous conduisez également notre délégation lors de la négociation de la Convention contre le crime transnational organisé, plus connue sous le nom de Convention de Palerme. Vous êtes aussi chef-adjoint de la délégation française au GAFI [Groupe d’action financière contre le blanchiment des capitaux] et chef de délégation au GAFIC [GAFI Zone Caraïbes].
Fort de cette expérience, vous devenez en 2012 Conseiller diplomatique d’Interpol, dans le cadre du Programme de lutte contre les Trafics de Marchandises illicites.
Avec la complicité d’Alain Bauer, vous faites bénéficier les élèves du Master « Criminologie, Renseignement, Radicalisation, Terrorisme » du CNAM, de votre connaissance de ce que vous appelez élégamment « le monde de l’illicite ».
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Si on peut considérer que les affaires stratégiques et la lutte contre la criminalité internationale sont des préoccupations complémentaires, votre troisième domaine de prédilection – la coopération et le développement – montre que vous excellez aussi là où l’on ne vous attend pas.
Choisi pour être l’un des architectes de la refonte de notre aide au développement et mener à bien la fusion du Ministère des Affaires étrangères et du Ministère de la coopération sous l’autorité d’Hubert Védrine et de Charles Josselin, dont vous êtes nommé directeur de cabinet en 1999, vous vous acquittez de cette mission immense avec succès. Vous sortez extenué de ces mois de travail acharné, mais passionné par le monde nouveau qui s’ouvre devant vous.
Débordant d’idées, vous créez en 2001 votre propre société de conseil international et mettez sur pied plusieurs projets de développement ambitieux en Afrique, dans le domaine des infrastructures et de la santé.
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Depuis 2016, vous jouez, aux côtés de Nicolas de Rivière, un rôle clef dans la bonne marche de notre Ministère, en qualité de Directeur général adjoint des affaires politiques et de sécurité.
Nos réussites collectives doivent beaucoup à votre esprit ouvert et créatif, ainsi qu’à votre capacité à vous affranchir de tous les dogmes du métier, que vous connaissez assez bien pour vous en passer. On vous décrit parfois comme un entrepreneur égaré au Quai d’Orsay : c’est que vous aimez conduire des projets et que vous savez fédérer autour de vous les énergies de vos collaborateurs, qui apprécient unanimement votre gentillesse et votre disponibilité.
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Cher Eric Danon,
Pour votre parcours exceptionnel et votre engagement remarquable au service de notre diplomatie, je suis heureux de vous remettre les insignes de Chevalier de l’Ordre National de la Légion d’Honneur.
Eric Danon,
Au nom du Président de la République et en vertu des pouvoirs qui nous sont conférés,
Nous vous faisons Chevalier de la Légion d’Honneur.




Discours de réception

M. le Ministre, Chers tous,
Merci infiniment, M. le Ministre, pour vos paroles, qui m’honorent et me touchent profondément. A l’émotion se mêle la joie de voir réunis ici famille, amis, collègues, autant de liens, autant d’ancrages nés de rencontres parfois très anciennes. Permettez-moi de vous associer tous à l’honneur qui m’est fait.
Et d’y associer aussi, en pensée, mes parents disparus il y a quelques années.
Vous avez évoqué Alexandrie, M. le Ministre, et les origines de ma famille. Pour moi qui suis né à Paris après le départ d’Égypte - départ volontaire pour les uns, forcé pour les autres par l’arrivée de Nasser - je dirai juste que le récit familial était paradoxal. Il évoquait un paradis perdu, tout en nous décrivant un grand dénuement du quotidien.
Et comme il arrive au sein de familles ballotées par les migrations et animées par la volonté de tourner la page, seuls le présent et l’avenir comptaient, autour de valeurs simples : l’étude et le travail, le respect et la curiosité des autres, l'amour de la France - ce pays de tous les possibles, choisi comme une évidence.
J’ajouterai qu’à la maison, le savoir était né heureux. De mes parents, j’ai reçu le bonheur d’apprendre et de transmettre sans cesse. Peut-être mes enfants, que j’aime et dont je suis si fier, feront-ils de même : Aurélia, Élisabeth, Marc, Hugo et Alexandre.
Pour mon père, la plus grande vertu était la responsabilité ; pour ma mère, c’était la conviction. Autant dire, la glace et le feu dans ce couple méditerranéen. Sans doute me suis-je construit en me protégeant des excès de ces lignes de conduite qu’ils prônaient l’un et l’autre - et en tâchant, avec ma sœur Clara, de remettre un peu d’équilibre dans ce couple qui se déchira vite. Pour moi, l’apprentissage de la diplomatie fut donc d’abord intra familial ; avouons-le, ce ne fut pas un immense succès…
En revanche, ce fut structurant et explique beaucoup de mon parcours. Ma mère, férue de philosophie et d’anthropologie, me donna très tôt l’envie de comprendre le monde à travers la complexité de ce qui fait lien entre les hommes. Mon père était tourné, lui, vers le progrès scientifique et le commerce international ; il me transmit le désir de parcourir ce monde pour essayer, très modestement bien sûr, de le rendre meilleur. Dans cette double démarche de compréhension et d’action, ils surent être pour moi ambitieux et exigeants.
Le choix du Quai d’Orsay se fit donc sans hésitation à la sortie de l’ENA. L’honneur de défendre les intérêts de la France, la subtilité des négociations internationales, la perspective de s’enrichir d’autres cultures… tout m’attirait dans ce métier de diplomate. Et si, par curiosité et par tempérament, j’ai vécu de nombreuses autres expériences professionnelles, elles m’ont aussi toujours ramené à la diplomatie.
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M. le Ministre, vous avez bien voulu rappeler les étapes de ma carrière ; je n’y reviens donc pas. Elles ont contribué à forger, par expérience, trois de mes convictions que j’aimerais rapidement partager ici.
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Première conviction : tout tient dans l’énergie que l’on met dans les actions qu’on entreprend et dans l’élan initial qu’on leur donne. La justesse de l’analyse, l’intérêt du projet ou encore la noblesse de la cause que l’on défend sont essentiels mais loin de suffire.
J’ai été à de nombreuses reprises chef de délégation. Les moments les plus forts restent pour moi ceux où, en négociation, l’équipe atteint un tel niveau de cohésion, de détermination, de volonté, d’enthousiasme même, qu’elle devient capable de surmonter tous les obstacles.
Ainsi lors de la Conférence d’examen du TNP en 2010 - vous en avez parlé M. le Ministre -, nous avons atteint nos objectifs « à l’énergie » pourrait-on dire, malgré le scepticisme général, avec Elisabeth Quanquin, Eric Steinmyller, Marin Sirakov… après des mois d’intense préparation pilotés par Martin Briens, appuyé par Céline Jurgensen.
Autre exemple : l’équipe constituée en 2002 avec mon ami Jacques Baudouin pour nous lancer dans des projets de développement qui nous tenaient à cœur. L’assurance maladie au Gabon avec Danyèle Palazo - la seule assurance santé qui fonctionne aujourd’hui en Afrique centrale -, la centrale d’achats des médicaments en Guinée Équatoriale avec Hélène Degui ou encore la rénovation de l’hôpital de Brazzaville...
Évidemment, l’énergie et la motivation ne suffisent pas toujours ; certains projets lancés et auxquels je tiens n’ont pas encore abouti. Mais j’ai bon espoir. J’avais dit à Marie que je l’épouserais lorsque le pont entre Brazzaville et Kinshasa serait achevé. J’ai cependant bien fait de ne pas attendre... Je serais passé à côté des années de bonheur vécues avec toi, à côté de ce quotidien qui, auprès de toi, devient le plus beau des voyages.
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Deuxième conviction : je crois à la diversité des cultures, des expériences et des points de vue, en ce qu’elle amplifie la capacité à comprendre, à imaginer et à réaliser. Facile à dire mais tout reste affaire de pratique.
Vous avez ainsi évoqué, M. le Ministre, la convention de lutte contre le financement du terrorisme. Peut-être n’aurait-elle pas vu le jour si je n’avais pas été autorisé à l’époque par le Secrétaire Général - et contre l’avis du directeur des affaires stratégiques - à transformer la sous-direction de la lutte contre les menaces criminelles dont j’avais la charge, en équipe interministérielle : Quai, intérieur, justice, défense.
Car au sein de cette équipe qui se révélera exceptionnelle, c’est un officier de gendarmerie en voie d’intégration, Gilles Huberson, aujourd’hui ambassadeur à Abidjan, qui eut l’idée de cette convention. Et c’est le magistrat de l’équipe, Joël Sollier, devenu plus tard directeur juridique d’Interpol, qui trouva brillamment l’articulation-clé du futur texte, à savoir comment incriminer le financement du terrorisme sans avoir à définir le terrorisme.
Gilles Huberson m’a téléphoné la semaine dernière à propos de ce soir et m’a dit : « Tu es le seul à m’avoir fait confiance à l’époque ». De fait, j’avais confiance dans la démarche consistant à s’entourer d’experts venus d’horizons différents. La suite est connue dans cette maison : les attentats de Nairobi et Dar Es Salam d’août 1998 nous donnèrent la dramatique opportunité de déposer le texte à New York ; et avec le soutien constant de Jérôme Bonnafont à l’Elysée, nous avons pu, « à l’énergie » toujours, négocier et faire adopter la convention telle que nous la souhaitions, en moins d’un an, ce qui reste encore aujourd’hui le record de l’ONU.
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Troisième conviction : je crois qu’il est important de toujours écouter et prendre en compte des idées différentes, voire nouvelles - voire « disruptives », comme on dit aujourd’hui -, a fortiori lorsque de grands bouleversements internationaux nous commandent de changer notre vision du monde et de nous adapter. En pratique, j’ai plutôt constaté que toute déstabilisation entraine d’abord un mouvement réflexe de repli vers ce qui rassure, vers ce qui est connu et déjà balisé.
En 1990 - j’étais alors conseiller affaires stratégiques au cabinet du ministre -, nous sommes réunis à une vingtaine par Hubert Védrine à l’Élysée, en format dit « Jupiter », du nom du bunker au sous-sol et non par anticipation de quelque mode de gouvernance que ce soit. Nous cherchons des initiatives à prendre, alors que l’Allemagne est en voie de réunification. Tour de table. Certains parlent du retrait du missile Hadès. Pour ma part, j’évoque mezza voce la possibilité que la France adhère au Traité de Non Prolifération nucléaire. Hurlements. L’un des directeurs présents évoque même la haute trahison ! Ce n’est sûrement pas à cause de moi - je n’ai vraiment rien à voir là-dedans - mais deux ans plus tard, la France avait adhéré à ce traité.
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Voilà pour ces convictions qui m’animent et que je souhaitais partager avec vous. Elles m’ont permis de tenir une ligne, celle de toujours me refuser à dissocier ce que je fais, ce que je crois et ce que je suis.
Probablement est-ce aussi un peu pour cela qu’il y eut, comme pour tout un chacun, des moments difficiles - vous savez, ces moments où le téléphone ne sonne plus beaucoup. Mais j’avais et j’ai toujours la chance d’être formidablement bien entouré par un premier cercle très solide, attentif et bienveillant.
Et professionnellement, c’est grâce à quelques-uns, peu nombreux mais efficaces, que j’ai pu rebondir, redécouvrant au passage s’il en était besoin que l’action reste in fine le meilleur remède au désarroi : Pierre Dassas qui m’accueillit au board de ses fondations ; Joël Sollier grâce à qui je devins conseiller diplomatique d’Interpol ; Dov Zerah qui me confia une partie de l’audit de la gouvernance financière de l’Agence Française de Développement ; Xavier Raufer qui me proposa des conférences à Paris 2. Et, last but not least, Alain Bauer qui m’incita à prendre pour trois ans le poste de directeur général du Conseil Supérieur de la Formation et de la Recherche Stratégiques. Trois années particulièrement riches au demeurant, passées avec le Général Latour et le commissaire Arnaud Bourgeois pendant lesquelles - vous l’avez rappelé M. le Ministre - outre le premier cours en ligne sur les questions stratégiques et l’organisation de mémorables éditions des Assises Nationales de la Recherche Stratégique, nous avons travaillé avec des dizaines d’experts sur de nombreux scénarios de notre environnement futur.
Et qui sait, c’est peut-être parce que je n’avais pas prévu les aléas d’un parcours qu’au demeurant je referais si c’était à refaire, que je m’intéresse tant à l’anticipation et à la prospective. C’est intellectuellement stimulant. Et c’est indispensable pour penser un monde devenu menaçant et parfois chaotique.
Situation qui à mes yeux, après trente ans de carrière, rend notre métier d’autant plus passionnant. Je n’irais pas jusqu’à dire qu’on s’ennuierait si le monde était plus calme. Mais son instabilité contribue au plaisir de travailler ici au quotidien, avec des collègues qui ne se laissent jamais abattre par une actualité souvent sombre et qui se forcent à réviser leurs manières de penser en fonction des nouveaux paradigmes de la planète.
Je pense d’abord à Nicolas de Rivière bien sûr, qui n’a pu, à regret, être là ce soir. Avec Nicolas, nous formons un tandem d’autant plus dynamique qu’il s’appuie sur une même conception du travail à mener, mais aussi sur une amitié ancienne et forte et un sens de l’humour largement partagé.
La liste est trop longue, je ne pourrai pas les citer mais je pense évidemment aussi à tous les collègues - des cabinets ministériels, du secrétariat général et des différentes directions, et Safia qui me supporte au quotidien. Equipes qui font de cette maison, un des rares lieux où l’on pense le monde dans toutes ses dimensions ; et où l’on se bat, sous votre autorité, M. le Ministre, pour faire entendre cette conception des relations internationales propre à notre pays, rester fidèle à notre histoire et tenir notre rang.
Pour finir, je voudrais à nouveau vous remercier, M. le Ministre, de l’honneur que vous me faites et de la fierté que cette décoration me procure. Cette Légion d’Honneur, décernée à titre individuel, permettez-moi de vous la dédier à vous tous ici, ainsi qu’aux amis qui n’ont pas pu venir et aux absents qui sont dans mon cœur. A des degrés divers, je vous dois et leur dois d’être ce que je suis. D’où mon immense sentiment de gratitude et de reconnaissance. Merci./.




